Contre toute attente, Galions est en tête de la LFL, sans avoir perdu un seul de leurs six premiers matchs du Summer Split. Cette forme soudaine au cours de la saison régulière intervient à peine quelques mois après la défaite de l’équipe pendant les playoffs du Spring face à Vitality.Bee, terminant le split sur une décevante 6e-7e place.

Jean “Jezu” Massol, ADC de l’équipe depuis trois ans, a annoncé prendre sa retraite de League of Legends pendant l’intersaison, alors que personne ne s’y attendait. Il a été remplacé par Franciszek “HARPOON” Gryszkiewicz, un jeune polonais de 20 ans avec seulement deux splits d’expérience en LFL2. Il a rejoint Galions aux côtés de son Head Coach, Nikola “xani” Zrinjski, avec qui il a travaillé cette dernière année et demie. Après une entrée spectaculaire en LFL, HARPOON se livre à nous sur ses débuts explosifs à tout juste 20 ans.

Théo « Zoelys » Le Scornec a comparé votre début de split à Gen.G prime. Même s’il plaisantait, il est évident que vous dégagez beaucoup de confiance. Comment expliquez-vous votre succès jusqu’à présent ?

Franciszek "HARPOON" Gryszkiewicz : Je vais peut-être commencer du début. Lorsque j’ai reçu l’offre de Galions, je me suis dit : « Ils doivent être mental boom. » Ils sont si forts qu’ils devraient écraser la ligue. Certains d’entre eux devraient déjà jouer en LEC. J’en étais conscient avant même de les rejoindre. Il y avait deux possibilités : soit ça allait être très simple pour moi de les rejoindre et de gagner des matchs, soit ça allait être épuisant mentalement. C’était impossible qu’ils soient aussi bons sans que quelque chose cloche.

De ce que j’ai pu voir, mon arrivée et celle de Xani (Nikola Zrinjski) ont apporté un vent de fraîcheur dans l’équipe. Je ne veux pas dénigrer Jezu (Jean Massol) ou Hairost (Aymerick Sergeant) mais on a apporté de la nouveauté. Dès le tout premier scrim, j’ai adoré jouer avec eux. Je ne pense donc pas que nos résultats soient surprenants. Il ne nous manque probablement qu’une victoire ou deux pour sécuriser le top 2 et notre place en EMEA.

Peut-être que ça a fait tout drôle pour beaucoup de gens quand nous avons changé d’ADC, Jezu étant une personnalité importante de la communauté française. Mais quand j’ai rejoint Galions, je me sentais déjà prêt pour la LFL, voire peut-être même le LEC. Pour l’instant, nos victoires ont été assez simples.

Quand et comment exactement avez-vous décidé de rejoindre Galions ?

HARPOON: Je venais tout juste de terminer ma saison de LFL2. Quelques jours après, j’avais eu vent de rumeurs et peut-être une ou deux semaines plus tard, la décision a été prise. C’était un sentiment assez étrange : j’avais travaillé tout le split pour gagner la LFL2 et, à peine après avoir perdu en finale 3-1 contre Valiant, je devais déjà me concentrer sur un nouveau projet sans avoir eu le temps de souffler.

Le processus a été assez chaotique, mais je n’ai pas hésité avant de rejoindre Galions. Je ne pense tout de même pas que j’étais meilleur que Jezu. C’est un bon joueur. Bien sûr, je pense être meilleur que la plupart des autres ADC. Si ce n’était pas le cas, ça n’aurait aucun sens de faire de la compétition. Mais je ne pensais pas que l’écart entre LFL2 et LFL était très grand. Au début, c’était étrange qu’ils veuillent faire ce changement. Mais au final, c’est une opportunité incroyable : si je continue à avoir de bonnes performances, on pourra peut-être gagner la LFL et les EMEA Masters, ou du moins réaliser un beau parcours dans ces compétitions.

Vous avez rejoint l’équipe aux côtés de Xani. Dans quelle mesure sa présence vous a aidé sur le plan individuel ?

HARPOON: Quand on fait face à un changement de situation, ça fait du bien de ne pas se retrouver dans un environnement complètement différent. Au final, j’ai gardé le même coach. Je sais comment il dirige ses reviews. Bien sûr, il a quand même dû changer son éthique de travail : les choses fonctionnent différemment entre la LFL2 et la LFL. Il y a quelques nouveautés pour moi également mais, dans l’ensemble, ce split n’est pas si différent des autres.

J’étais content de savoir que certaines choses ne changeraient pas, surtout après une intersaison très courte et mouvementé. Je n’irai pas jusqu’à dire que si j’étais venu ici tout seul je n’aurais pas aussi bien joué, mais c’est sûr que ça m’a aidé. Je ne sais pas à quel point il a influencé Galions avant mon arrivée mais, d’une manière générale, c’est un très bon coach.

Vous avez emménagé à Paris et vous jouez désormais aux côtés de vos coéquipiers. Comment vous êtes-vous adapté à ce changement de mode de vie ?

HARPOON: Si vous m’aviez posé cette question il y a un an, je vous aurais dit qu’il n’y avait pas de différence que ça ne posait aucun problème. Mais après le Spring Split de 2024 avec Zero Tenacity, chez qui on a gagné l’Ultraliga mais réalisé un mauvais parcours aux EMEA Masters, je n’étais plus en bootcamp. Ça faisait un an que je jouais entièrement à distance.

Maintenant, je suis parti de chez mes parents en Pologne, c’était donc une nouvelle vie pour moi. Après trois mois à penser que j’allais terminer l’année à distance, je devais tout d’un coup aller vivre à Paris pour y passer la totalité du Summer Split. En plus, au vu du calendrier des EMEA, mon séjour pouvait être très long. Ce n’était pas facile, mais ça aurait été stupide de ne pas le faire. À l’heure actuelle, je veux juste être le meilleur, donc du moment que ça n’affecte pas vraiment ma vie personnelle, ça ne me dérange pas.

Le seul problème est les solo queues. C’est plus facile de jouer chez moi. Ici, je joue mieux pendant les scrims et les matchs officiels grâce à l’ambiance et à un meilleur ping, mais j’ai toujours du mal à trouver le bon rythme et à prendre des pauses. J’ai parfois l’impression de faire la même chose en boucle sans prendre de pause. Seulement un ou deux mois après mon arrivée, j’avais déjà perdu quelque chose comme 700 LP. J’essaye de travailler sur ça : trouver le bon rythme et faire le vide dans ma tête après les scrims. Je me sens déjà bien mieux que quand je venais d’arriver.

Est-ce que jouer sur scène vous fait peur ?

HARPOON: Non, j’adore ça. Je me rappelle la finale du Spring 2024 d’Ultraliga : une foule immense, des chants assourdissants, des casques pourris qui nous permettaient de tout entendre. Si vous aviez été à Varsovie ce jour-là, vous vous seriez dit que des fans KC n’auraient pas pu être plus bruyants. C’était incroyable. Vu qu’il n’y avait pas eu de tournois en présentiel depuis deux ou trois ans, tout le monde était à fond. Tout le monde voulait venir, et j’ai adoré ce moment. Lors de cette finale, j’ai fait quelque chose comme 55 kills pour une seule mort. On les a écrasés 3-0. J’avais l’impression de déployer mon meilleur niveau à ce moment-là. C’était le chaos, mais j’ai adoré. C’est la meilleure performance que j’ai réalisée. Si je pouvais jouer sur scène tous les jours, j’aurais l’impression d’être Faker (Lee Sang-hyeok).

Maintenant que vous êtes chez Galions, quelles sont vos ambitions pour ce split et pour l’avenir ?

HARPOON: Tout gagner, la LFL et les EMEA Masters. J’ai signé chez Galions pour l’année prochaine, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer en esport. J’ai l’impression que cette année est l’occasion de me refaire. Beaucoup de gens, notamment au sein de la communauté française, ne me connaissent pas vraiment. Mais pour moi, j’ai l’impression que c’est la première fois que je n’ai pas une saison « malchanceuse » en esport, la première année où je ne me suis pas fait avoir une seule fois.

J’ai l’impression que Dame Fortune est avec moi. Tout ce que je dois faire, c’est bien jouer, ce qui est le cas, et je veux continuer à m’améliorer. Je suis ravi de la tournure que prend cette année, bien qu’elle ne soit pas encore terminée. Au-delà de gagner la LFL et les EMEA Masters, mon objectif est de montrer à tous que je suis un très bon ADC.

Ce mercredi, vous allez affronter Thomas « 3XA » Foucou, qui est probablement le meilleur ADC de la ligue à l’heure actuelle. Avez-vous un message à lui transmettre ?

HARPOON: Peut-être qu’il ne me connaissait pas avant ce split. Mais après ce match, je vais le hanter.

Header Photo Credit : Galions