"Nous visons environ 275 000 à 300 000 euros [...] On est à 45% de la somme qu'on aimerait vraiment atteindre."
Après une année presque parfaite en LFL Division 2, Esprit Shōnen est sorti vainqueur du tournoi de promotion, décrochant ainsi sa place pour la saison 2026 au sein de l’élite française de League of Legends, la LFL. Cependant, cette montée représente un défi structurel majeur pour l’organisation. Selon le CEO et influenceur Ayoub "Noachu" Ait Baalla, Esprit Shōnen ne participera à la LFL que si le club parvient à obtenir les ressources nécessaires pour être à la hauteur de ses grandes ambitions : remporter la LFL, mais aussi les EMEA Masters.
Vous avez connu une année presque parfaite en Div 2. Est-ce que vous en espériez tant au début de la saison ?
Ayoub "Noachu" Ait Baalla: "Oui, parce qu'on avait déjà fait une première année en Division 2. On avait été accepté très tard et on a fait une fusion avec MS Company, puisque notre dossier n'a pas été accepté par Webedia. On avait un dossier solide sur le papier, on avait le budget, mais ils ont refusé. Avec MS Company qui était dixième, ça a pris directement. En termes de personnalité, de mentalité, c'était incroyable. Mais la première année, on a pu commencer à travailler à deux semaines du début du split. Du coup, on a pris des joueurs, qu’on n'aurait peut-être pas eu l'idée de prendre si on avait vraiment construit l'année pour gagner. On a fait comme on pouvait. Avec le roster qu'on a créé cette année, l'ambition, c'était de tuer. On avait vraiment cette idée de destin : soit c’est cette année, soit on se retire de l'esport. Donc, on a tout donné et on est hyper contents du résultat. On avait réellement une équipe qui avait cette vocation-là, qui avait cette ambition-là. Et je suis très content qu'on ait réussi à tout rafler entre guillemets, et à rentrer réellement par la grande porte en LFL.
La marche entre la Division 2 et la LFL est parfois haute. Avez-vous les épaules pour être promus ?
Noachu: Pour être totalement transparent, absolument pas aujourd'hui. On a une base, mais une base qui ne suffirait pas à être stable et même compétitive pour la LFL. Parce que moi, je ne veux pas juste arriver à faire l'année au ras des pâquerettes. Je n'ai pas envie de juste être là, avec notre nom et notre logo. J’aimerais bien lancer l'année et je la lancerai uniquement si les fonds sont disponibles. Sinon, ce n'est pas grave, c'était une très belle aventure. J'aurais fait le maximum et voilà. On a des pistes, mais il n’y a pas encore de deal signé. Je suis dur dans le business parce que le côté religieux prend beaucoup la place. C'est-à-dire que je n'accepte pas certains types de partenaires. J’aimerais trouver des marques avec qui ça fit vraiment et avec qui je peux faire une aventure, avec qui je pourrais avancer et me dire que toute l'année, je leur fais une promotion naturelle. Ce chemin-là, ce n'est pas le meilleur pour la LFL ou le business en général. Mais c'est le chemin qu'on a choisi depuis le début et j'espère qu'on va réussir à se tenir le plus longtemps possible. Même si je sais qu'un jour ou l'autre, on va potentiellement devoir faire des concessions et quand il faudra les faire, je les ferai pour l'amour du projet.
Avez-vous l’envie de continuer votre shōnen et de poursuivre l’aventure avec ce même roster ?
Noachu: J’aimerais garder la même équipe. J'ai créé l'histoire avec eux, j'aurais bien terminé avec eux. Mais aujourd'hui, nous, on n'est même pas sûr d'être là, donc, on ne va pas leur faire signer des choses alors qu'on n'a pas encore les épaules. Donc malheureusement, on devra de toute façon recréer un roster. Mais s'il y a la possibilité de garder des joueurs, on le fera. Rien que pour l'histoire et parce que c’est l’esprit shōnen, et je serais trop heureux de prouver que les joueurs que j'ai pris là, ce sont des joueurs qui n'ont pas eu leur chance et qui ont toutes les capacités et les compétences de jouer en LFL. Si on monte, j’ai la quasi-certitude de garder des joueurs, parce qu'il y a des joueurs qui ne veulent jouer que pour nous, qui nous jurent un peu fidélité. Je pense qu'ils resteraient avec nous sauf si évidemment le projet est voué à mourir. Dans ce cas, c'est nous-mêmes qui les enverrions trouver des équipes et j’essayerais de suivre leur carrière de mon côté en tant que viewer lambda. Mais je sais que tant qu'on n'a pas dit que l'année ne part pas, des joueurs ne prendront aucune offre et ne signeront aucun contrat. Dès le jour où ES n'est plus sur le marché, ils font leur vie et je leur souhaite d'avoir les plus grandes équipes possibles.
Vous revendiquez une identité forte, qu’est-ce que Esprit Shōnen apporterait à la ligue ?
Noachu: Pour moi, en termes de création de contenus de la part des équipes, c'est très léger. Avec Esprit Shōnen, j'ai une idée claire, et je sens qu'on va vraiment envoyer du cinéma à l'écran. Je serais vraiment content de pouvoir vivre l'année pour montrer entre guillemets une équipe qui se bouge vraiment en termes de content, ce qu'elle peut créer. Et pas juste des game day, des matchs victoires, des posts “super, on a gagné”, “dommage, on a perdu”. Le but, c'est vraiment de créer un storytelling sur le content. Vendre une histoire, c'est ce que je sais faire le mieux.
Est-ce que quand on revendique l’esprit shōnen, la défaite est-elle plus facile à encaisser ? C’est le propre du genre de commencer par des revers…
Noachu: Totalement. Perdre, c'est une partie de l'aventure. Et je vais embrasser les défaites comme les victoires, même si à la fin, j'aimerais terminer victorieux. Ce n'est pas une fatalité, au contraire. C'est la phrase bateau, mais, c'est vraiment de l'échec que née la réussite. Sans échec, tu ne sais pas vraiment où tu en es. Si tu veux réussir, le jour où tu as un échec, tu es un peu perdu parce que ce n'est pas dans le programme. Évidemment que la défaite, il faut s'en servir et pour moi, c'est important.
La LFL est-elle la finalité du projet ES sur League of Legends depuis le début ?
Noachu: Absolument. À la base, c'est la LFL qui était visée dès l'année 1. Mais c’est l’esprit shōnen, on a subi un échec pour faire une meilleure réussite, donc on l'a fait en année 2 pour entrer par la grande porte. C’est vraiment l'objectif d'arriver en LFL, de même potentiellement essayer d'aller toucher les EUM, de gagner les EUM. Et d'être tellement attractif sur l'année 1 pour ouvrir peut-être une brèche, mais vraiment fine — c'est vraiment du 0,00001 % — auprès des marques qui seraient intéressées par notre projet avec lesquelles on pourrait peut-être voir un angle à LEC. Mais ça, c'était plus pour 4, 5 ans et plus tard puisque c'est hyper, hyper cher. On n'est pas naïfs sur ce qu'on représente aujourd'hui. On n'a même pas les épaules pour faire une année en LFL. Citer le LEC, ça n'a aucun sens. C’est juste une continuité que j'aime, de créer une communauté tellement solide et tellement à mon image, qu'en fait on est capable de tout faire.
La construction de cette identité prime-t-elle sur les résultats compétitifs ?
Noachu: Je dirais vraiment que c'est une fusion des deux. Imaginons, l’an prochain, on est vraiment nuls. Si notre passage est retenu parce que l'identité et la communication étaient fortes et bien reçues par les gens, pour moi, c'est une victoire aussi. L'année dernière, j'ai senti la LFL invisibilisée. Je ne l’ai pas sentie présente sur les réseaux, sur Twitch… C’est peut-être les suites du passage de la KC, en LEC qui a fait que la LFL s'est un peu invisibilisée naturellement. Mais pour moi, redorer le blason de la LFL, c'est important et je pense qu'on a les épaules pour le faire.
Cette volonté de construire une identité forte vous permet-elle de convaincre des joueurs de vous rejoindre ?
Noachu: Je parle beaucoup avec les joueurs au début. Je leur vends une histoire. On leur dit vraiment, qu’ils arrivent dans une aventure, qu’on veut qu’ils soient un de nos soldats. Ce n'est pas juste, tu es là, tu fais tes games, tu fais tes scrims et hop, tu retournes en soloQ. On va plus loin que ça. Et les joueurs sont réceptifs. Et du coup, j'ai créé plein de délires avec les joueurs. Et ça, j'aime beaucoup. Parce que je sais que le joueur qui passé chez ES, quand il part de chez ES, il ne salira jamais mon nom, notre image.
À quelle date en saurez-vous davantage sur votre présence ou non en LFL l’an prochain ?
Noachu: Dans les prochaines semaines, il faudrait déjà envoyer un budget prévisionnel pour dire qu'on est prêt, ou qu'on se rapproche d'être prêt. Et honnêtement, je dirais qu'aux alentours du 10-15 novembre, il faudrait vraiment se verrouiller, vraiment se dire c'est bon. Donc il reste un bon mois, on a beaucoup de conversations, beaucoup de mails, beaucoup d'échanges à tenir avec tout le monde pour les prochaines semaines qui arrivent, du très lourd comme du moins lourd, mais qui restent toujours bien. Et je pense que d'ici mi-novembre, on en saura plus sur la potentielle présence d’Esprit Shōnen en LFL.
Si vous jouez en LFL, quelles seront les ambitions pour votre première saison ?
Noachu: Je lance l'année que si j'ai la possibilité d'être compétitif. Si on fait une année 1, pour moi, on veut remporter les splits, remporter les EUM. Je ne le dis pas avec arrogance, mais en sachant le travail qu'on veut fournir derrière et le budget qu'on tente d’atteindre, entre 275 et 300k. Les équipes qui lancent des années pour faire un mid-roster, dans lequel elles n'ont pas vraiment confiance, c’est un peu comme si elles lançaient une pièce, en se disant que ça va passer. C'est vraiment, vraiment, vraiment pas notre vision. On a un projet clair et strict. On veut des joueurs qui veulent vraiment, vraiment, vraiment gagner et qui ont les compétences de gagner. Si on fait cinquième ou même quatrième, même troisième, au moins, ce serait un échec sportif parce que ce n'est pas l'ambition de mes coachs et du head staff. Mais je trouve que tous les joueurs que j'ai eus cette année sont capables de gagner la LFL et sont capables de performer aux EMEA Masters. Je sais que c'est difficile à croire puisqu'on a vu qu'on est des équipes de Div2, mais je sais de quoi mon équipe est capable. Et si on arrivait avec cette équipe-là en LFL, je pense que vous seriez surpris. De toute façon, on a donné un petit avant-goût avec le top 9 pendant les Up&Down.
Vous évoquez une fourchette de 275 à 300 000 euros. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Noachu: On est à 45 % de la somme qu'on aimerait vraiment atteindre. Même si on est à 60 % ou 70 % on ne lancera pas l'année. Malheureusement, on n'a pas envie de finir comme des équipes qui ont déjà connu ce truc-là, qui n'arrivent plus à payer, et qui ont des problèmes. En fait, on devrait avoir même de la marge, comme ça on est en mode, on a toujours de quoi faire le parachute. Et si c'est pour vraiment se casser la gueule, être ricrac et se serrer la ceinture, c'est trop de stress.
Ne craignez-vous pas d’arriver trop tard sur le marché des transferts, si vous ne pouvez débuter votre mercato que mi-novembre ?
Noachu: C’est ma plus grande crainte. Dans le cas où l'année se lancerait et qu'on n'aurait pas eu le mercato qu'on voulait au premier split, je pense — et là c'est moi qui m'engage parce que du coup, c'est moi qui gère ce pôle-là — qu’on va tellement envoyer du cinéma à l'écran qu'on sera très attractif pour des joueurs. C'est-à-dire que même si on foire le premier split, on arrivera à se rattraper avec le split 2 et le split 3. On en a même la certitude.
Dans le cas où vous ne pouvez pas monter en LFL, envisagez-vous une année supplémentaire en Division 2 ?
Noachu: Absolument pas. Si on ne peut pas monter malgré le fait qu'on ait gagné parce qu'on n'a pas les épaules, j'arrête. Je tire ma révérence et je m'en vais."
Header Photo Credit: Noachu








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