GENG, T1, KT, DK : La Corée arrive en force aux Worlds
Le Main Event des Worlds 2023 débute jeudi, avec l’entrée en lice des meilleures équipes du monde. Voici le premier épisode de notre tour d’horizon des différents représentants des régions majeures des Worlds, centré sur la LCK.

Sur League of Legends, Corée rime avec réussite, domination, et même hégémonie. La plus grande région de l’histoire a en effet continuellement marqué les esprits au fil des 13 dernières années, et n’est autre que la place incontournable de l’esport mondial sur League of Legends aujourd’hui. L’année passée, la League of Legends Champions Korea (LCK) a envoyé ses 4 représentants en quarts de finale des Worlds 2022, emmenant même 3 d’entre eux en demi-finale, et s’assurant le titre suprême via une finale 100% coréenne, la quatrième de l’histoire.
Difficile de ne pas mettre la ligue coréenne sur un piédestal lorsque l’on évalue les différentes forces en présence en amont d’une compétition. D’autant plus que dès le début de cette année, la LCK a tout mis en oeuvre pour glaner à nouveau la Coupe de l’Invocateur, formant 5 équipes terrifiantes sur le papier, tant par le talent individuel des joueurs qui les composent que par le potentiel maximal de ces collectifs. Quatre d'entre elles ont réussi leur pari en décrochant la qualification aux Worlds tant disputée, mais ce ne fut pas une partie de plaisir, tant le niveau de certains de ces mastodontes a vacillé au fil de la saison, enchaînant le pire comme le meilleur.
Dplus KIA, en quête d’un momentum
C’est un problème qui a notamment touché Dplus KIA, qui sort d’une saison décevante au vu du potentiel affiché par l’équipe. Pourtant, DK a un historique à faire pâlir plus d’une structure : depuis son arrivée en LCK, l’équipe n’a jamais raté les Worlds. Mieux encore, elle ne s’est jamais fait éliminer avant les quarts de finale, pendant 4 années de suite !
Ultra régulière, l’équipe a surtout connu un sommet incroyable en remportant le graal en 2020, et elle n’est passée à rien de réaliser le doublé l’année suivante, s’inclinant en grande finale lors de l’ultime manche face à EDward Gaming. Mais cette régularité semble en danger pour les Worlds 2023, car DK n’a pas vécu une année de tout repos.

En recrutant Kim “Canna” Chang-dong, mais surtout Kim “Deft” Hyuk-kyu, champion du monde en titre, Dplus semblait pourtant se lancer dans une saison très prometteuse, mais l’équipe a soufflé le chaud et le froid toute la saison, ne tirant jamais totalement profit de l’impressionnant talent individuel des joueurs, particulièrement de son duo iconique Kim “Canyon” Geon-bu et Heo “ShowMaker” Su.
En finissant les deux saisons régulières de l’année à la quatrième place, Dplus n’a jamais vraiment réussi à rentrer dans ses playoffs, perdant au Spring face à HLE, puis au Summer contre T1, à chaque fois sur le score de 3-1.
Ces échecs sont en partie la cause de sololanes qui ont eu du mal à se mettre au diapason. Si Canna a eu beaucoup de difficultés au fil de l’année, c’est plus ShowMaker qui a un peu perdu de sa superbe pendant la saison, ne montrant pas la domination qu’il avait lors des années précédentes en LCK. Au Summer, l’équipe a même jonglé entre deux supports, Kim “Kellin” Hyeong-gyu laissant sa place un temps à Yoon “Bible” Seol, afin de permettre au premier de prendre du recul sur la situation de l’équipe, afin de revenir plus fort.

C’est ce qu’il a fait aux Regional Finals, où Dplus a enfin montré un niveau à la hauteur de ses ambitions. En battant facilement DRX 3-0, puis HLE 3-1, grâce notamment à ShowMaker et Kellin en feu, DK a envoyé un message au monde entier. Il faudra compter sur eux cet automne, en tant qu’outsiders, certes, mais capables de réaliser un très grand parcours, au niveau du talent affiché par l’équipe. Reste à voir s’ils réussiront à défendre le titre de Deft.

KT Rolster, être à la hauteur des attentes
La saison de KT Rolster est un cas très intéressant à étudier. Avant le début de la saison, l’équipe n’était pas vue comme favorite, régulièrement placée par les experts de la scène derrière des équipes comme Dplus KIA ou Hanwha Life Esports. Il faut dire que l’équipe constituée par KT ne payait pas forcément de mine au départ.
En récupérant Kim “Kiin” Gi-in, englué chez les Kwangdong Freecs depuis 5 ans, Gwak “Bdd” Bo-seong, sorti d’une année très compliquée chez Nongshim RedForce, et Son “Lehends” Si-woo, remplacés par du sang frais chez Gen.G, KT affichait un certain potentiel, mais avec des joueurs aux performances incertaines, qui pouvaient briller comme se retrouver très vite en difficulté face au haut de tableau coréen.
Finalement, KT a brillé toute la saison. Dans l’ombre du géant T1 au Spring, l’équipe s’est classée troisième, devant Dplus et HLE, mais surtout à égalité avec Gen.G, qu’ils ont battu par deux fois ! Mais l’équipe a surtout fait parler d’elle en entrée de playoffs, lorsqu’elle a poussé T1, ultra dominant jusqu’alors, à une cinquième manche complètement folle dans ce qui reste l’un des meilleurs matchs de la saison.

L’équipe a fini le printemps à la troisième place, battant HLE 3-1, sans grande difficulté, mais c’est à partir du Summer que KT a vraiment impressionné. Débarrassé de sa némésis T1, victime de soucis internes suite à la blessure de Lee “Faker” Sang-hyeok, KT a pris le contrôle de la LCK, en réalisant un split quasi parfait, avec 17 victoires pour une seule défaite.
Mais KT a provoqué sa chute, en choisissant d’affronter T1 dès l’entrée des playoffs, qui malgré une préparation tronquée, ont à nouveau puni leur rival, encore en 5 manches. Rebelote une semaine plus tard, quand KT, vainqueur de HLE 3-0, retrouve T1 pour une place en grande finale. Ces derniers font déjouer à nouveau les KT Rolster, toujours au bout du suspens, s’affichant à nouveau comme la kryptonite de Bdd et des siens.
Si KT n’a jamais vraiment réussi à concrétiser en playoffs face à T1, l’équipe a affiché un visage impressionnant au fil de l’année. Le porte-étendard de cette année folle est sans aucun doute Bdd, qui réalise peut-être la meilleure année de sa carrière. S’il est toujours un spécialiste sur Azir, il s’est transformé en un joueur bien plus proactif que l’année passée, capable de créer lui-même des différences pour offrir l’avantage à son équipe.
Il est très bien accompagné par Kiin, enfin récompensé collectivement pour ses excellentes performances individuelles depuis des années, toujours très dominant sur la toplane, ainsi qu’Aiming, extrêmement régulier et qui a sauvé plus d’une fois l’équipe dans des situations complexes au fil de la saison.

KT devra affronter lors des Worlds 2023 son pire ennemi, le choke. Historiquement, la structure a toujours eu des difficultés à performer au niveau des attentes qui se créaient autour d’elle. À tel point que l’équipe a parfois été moquée par les fans, comme pour les memes autour du KT Push. L’exemple le plus parlant reste sans doute les Worlds 2018, où un KT promis à la victoire finale s’est incliné dans un match à très haute tension face à IG, les futurs vainqueurs du tournoi, dès les quarts de finale, dans ce qui semblait être pour beaucoup une finale déguisée.
Cette année, KT ne s’avance pas en favori, et leurs joueurs ont plus connu de déceptions que de succès retentissants à l’international. De quoi créer un esprit de revanche pour un collectif capable d’aller tutoyer les plus grands, et qui devra performer à son meilleur niveau pour espérer une grande performance, à la hauteur du potentiel montré au fil de la saison.

T1, enfin conclure sur une belle note
Une malédiction. C’est ce qui semble coller aux bottes de T1 depuis maintenant un an et demi. Depuis cette finale du MSI 2022, perdue 3-2 face à RNG, T1 n’a toujours pas réussi à remporter un titre, domestique comme international. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé ! Sur cette période, l’équipe a disputé au total 5 finales, sur 6 possibles, ratant seulement celle du MSI 2023 où T1 s’est arrêté en demi-finale.
Encore pire lorsque l’on sait que dans ces 5 finales, 3 ont été perdues face à la même équipe : Gen.G. Celle qui était réputée par le passé pour ne jamais remporter un titre domestique est devenue en 2 ans la bête noire de la meilleure équipe du monde, se permettant même deux 3-0 cinglants, aux Summer 2022 et 2023 de LCK.

Cette malédiction ferait presque oublier que derrière elle se cache pourtant la meilleure équipe de l’histoire de League of Legends, triple championne du monde, un record inégalé que Faker, le meilleur joueur de l’histoire, porte toujours sur la midlane de T1 10 ans après ses débuts. Autour de lui s’est créée une génération dorée qui n’attend plus qu’une seule chose : remporter un titre international, pour ancrer cette équipe dotée d’un talent fou à jamais dans l’histoire.
Cette année débutait pourtant bien dans ce sens-là : T1, seule équipe du haut de tableau coréen à ne connaître aucun changement de joueurs, a démoli la saison régulière du Spring Spit, finissant premier, loin devant ses concurrents avec 17 victoires pour une défaite.
En playoffs, malgré des KT très tenaces, T1 a continué sa domination jusqu’en grande finale, où la malédiction a à nouveau frappé, prenant la forme de Gen.G revanchards et mieux préparés, qui empochèrent leur second titre d’affilée au nez et à la barbe de T1.

Au MSI, T1 a repris de sa superbe, en gagnant notamment l’un des matchs les plus rapides de l’histoire, en moins de 17 minutes, face à MAD Lions. Plus impressionnant encore, T1 a tenu tête et a même failli battre JDG, le champion chinois arrivé favori de la compétition, dans un BO5 où le niveau aura été l’un des plus élevés de l’année.
Mais à nouveau, T1 a perdu le fil. Envoyé en lower bracket après leur défaite contre JDG, T1, que tout le monde attendait en finale pour une revanche, se fait détruire par la surprise BLG, laissant nombre de fans dans la surprise et l’incompréhension.
Au retour en Corée, et malgré plusieurs victoires, T1 n’a plus la même domination sur la LCK. La nouvelle tombe : Faker est blessé au bras. Deux jours plus tard, T1 annonce la pause et le remplacement de son midlaner star. Sans son pilier, et avec Yoon “Poby” Sung-won, de l’académie T1 à la place, l’équipe va s’effondrer, perdant 7 de ses 8 matchs sans Faker.
Si le jeune rookie monté sous l’urgence n’a pas le niveau, ce sont surtout les titulaires qui déjouent, comme si l’absence de leur capitaine les avait transformés, en particulier pour Mun “Oner” Hyeon-jun et Ryu “Keria” Min-seok, en grande difficulté sur cette période. Quand Faker revient pour la dernière semaine de saison régulière, T1 pointe à la cinquième place du classement, à 7-9.
Mais dès son retour, l’équipe gagne à nouveau et se rassure. Arrivé en playoffs, T1 bat facilement Dplus KIA, avant d’être choisi par KT, premier de saison régulière, qu’ils battent contre toute attente ! T1 est de retour, et c’est confirmé deux jours plus tard, lorsque l’équipe amène son némésis Gen.G jusqu’en cinquième manche, lors d’un match très serré.

À nouveau face à KT en lower bracket, T1 gagne pour la troisième fois de l’année en 3 affrontements, et s’offre une nouvelle chance de titre, avant de subir un dur retour à la réalité en grande finale, se faisant écraser par Gen.G 3-0. Rien n’y fait, même quand T1 brave tous les obstacles et réalise un petit miracle en atteignant la finale d’une saison si compliquée, l’affrontement final ne leur sourit pas.
T1 s’approche ainsi des Worlds entouré de doutes. Certes, l’équipe s’est réveillée au retour de Faker, et a déroulé un parcours inattendu lors des playoffs, mais personne n’oublie les difficultés vécues par l’équipe lors de la pause de leur capitaine. De plus, T1 n’a pas été la seule équipe coréenne en difficulté cet été, et les playoffs LCK ont fini sur un goût amer, T1 affichant un bon niveau de jeu, mais peu de créativité en raison de leur faible temps de préparation, qu’aucune équipe mise à part Gen.G n’a vraiment su contrer.
Cependant, T1 aura bien plus de préparation en amont de ces Worlds, et l’équipe est une habituée de l’exercice, n’ayant plus raté de compétition internationale depuis 2021. Mais si T1 réussit à gommer ses difficultés passagères du Summer, il leur reste toujours une dernière barrière à franchir. Peuvent-ils atteindre et enfin remporter une finale ?
À l’aube de ce qui pourrait être la dernière compétition majeure de cette génération dorée sous la même bannière, T1 arrive dans ces Worlds avec beaucoup d’enjeux, mais un seul objectif : continuer d’écrire l’histoire de la plus grande structure de League of Legends, et aider Faker à distancer ses principaux concurrents au titre de meilleur joueur de l’histoire, notamment un certain Park “Ruler” Jae-hyuk, qui semble bien déterminé à le rattraper.

Gen.G, compléter une année (presque) parfaite
En début d’année, Gen.G a réalisé un pari fou. Au départ de son mythique adc Ruler, vainqueur de la LCK et des Worlds sous l’écusson jaune et noir, l’équipe a décidé de ne recruter personne. A la place, elle a fait confiance à son académie. Plus particulièrement à un jeune ADC de 17 ans : Kim “Peyz” Su-hwan. L’une des plus grandes structures du monde, tenante du titre en LCK, demi-finaliste des Worlds, a ainsi remplacé l’un des, si ce n’est le meilleur ADC au monde par un rookie de 17 ans sans expérience professionnelle, qui a débuté au sein même de Gen.G Academy mi-2020.
Pour beaucoup, cette décision est au mieux très ambitieuse, au pire ultra risquée. Certes, Peyz impressionne en académie depuis le début d’année, et son nom est sur toutes les bouches des recruteurs et observateurs de la scène coréenne, mais il arrive dans une ligue en tant que joueur le plus jeune de la compétition, aux côtés de stars planétaires comme Jeong “Chovy” Ji-hoon ou Han “Peanut” Wang-ho.
Le comble, c’est qu’au rôle de support arrive un autre rookie pour épauler Peyz. Lehends est remercié et laisse sa place à Yoo “Delight” Hwan-joong, formé par Gen.G, et qui a fait les beaux jours de Fredit BRION l’année passée. Une botlane très jeune et inexpérimentée, les deux joueurs ne cumulant au total qu’une seule année professionnelle à leur actif. En comparaison, celle de T1 en compte 5, celle de KT atteint 11, et celle de DK culmine à 13 ! Et pourtant, ce sont les jeunes qui vont dominer.

Dès son premier split, Peyz devient déjà un grand et Gen.G finit second de la saison régulière, avant de réaliser des playoffs incroyables. Le rookie de 17 ans finira même MVP de la finale, remportée face à T1. Peyz est champion de Corée dès son premier split, un exploit retentissant, qui l’amène d’ailleurs à l’international seulement quelques mois après avoir rejoint le circuit professionnel.
Au MSI malheureusement, Gen.G vivra des moments compliqués. Peyz et Delight accusent le coup dû à leur manque d’expérience, et Peanut et Chovy n’arrivent pas à performer à leur meilleur niveau. Si l’équipe bat facilement G2 en entame, puis C9 en lower bracket, ils s’inclinent pour la première fois en BO5 depuis 1 an face à T1, mais se font surtout fesser 3-0 par la surprise BLG, qui ne leur laisse aucune chance.
De retour en Corée, Gen.G reprend là où ils s’étaient arrêtés après le Spring, en dominant toujours la majorité de la LCK. Malgré les galères de T1, Gen.G n’arrive pas à récupérer la première place et finit derrière KT. Mais à nouveau, l’équipe entre en forme finale en playoffs, cette fois ci sans perdre de match, et gagne à nouveau le titre de LCK, grâce notamment à un Delight exceptionnel, preuve de la progression sensationnelle des deux prodiges de l’équipe.

Aux Worlds 2023, Gen.G arrive avec la ferme intention d’enfin concrétiser sa domination domestique à l’international. L’équipe reste sur deux éliminations douloureuses en demi-finales, lors desquelles Gen.G a sous-performé. La demi-finale 2022, face à DRX, reste certainement au travers de la gorge de Chovy, lui qui était passé complètement à côté de son match. C’est l’occasion ou jamais de se venger, et peut-être de concrétiser un exploit qu’ils avaient presque réalisé en 2016 : offrir à un rookie le titre des Worlds dès sa première année compétitive.

Ainsi, la Corée envoie des mastodontes, armés jusqu’aux dents pour récupérer à nouveau la Coupe de l’Invocateur. Mais la région n’est pas seule. Son meilleur rival arrive lui aussi avec des poids lourds, et si la Corée a l’avantage du terrain, la Chine semble avoir l’histoire avec elle : lors des derniers Worlds joués en Corée, Invictus Gaming a remporté les Worlds, mettant fin à une série de 5 titres coréens, et offrant le premier sacre à la Chine. Reste à voir si les 4 mastodontes sont capables d’empêcher l’histoire de se répéter.
- Drako -
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